Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/59

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s’extasiait d’avoir vu tout un troupeau de lamas qui avait dormi sous la neige, en surgir, de ses hautes têtes que la foudre atteint plutôt que l’homme. L’oncle Lili avait photographié le rocher d’où partirent les trois frères Incas, dont le père…

Car tout se ramenait pour Nenetza, dans l’histoire ou dans le présent, à des affaires de famille, et, des mouettes volant autour de nous, elles distingua parmi elles le père, la mère, les enfants. Entre les bateaux qui venaient et sortaient, elle semblait imaginer des liens aussi naturels que a conception et l’enfantement. Puis le beau Naki arriva, deux fois haut et large comme elle et qui l’ombrageait comme un mur, avec une bonne âme dont on sentait aussi les flammèches doublées en ce beau dimanche : il était tranquille, tranquille, il était fort. Mais sa femme Nenetza, son épouse, sa compagne, continuait à être douce, acerbe… Le temps d’insulter Riko, de l’embrasser quinze fois sur la bouche, et elle bondit dans notre grosse cousine de navire, dont toujours elle prononça le nom entier, Amélie-Cécile-Rochambeau, car elle ne donnait de diminutif d’amitié ou d’amour qu’aux noms d’homme. Déjà filait à l’avance vers le large, comme dans une petite course à pied entre amis pour contrôler votre arrivée, un gros nuage.