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de la canonicité.

livres qu’on nous veut faire passer pour apocryphes ; et qu’ils y ont souvent recours. L’Eglise romaine, qui est une des plus anciennes églises du monde, n’a point reçu d’autre Ecriture dans les commencements que cette Bible des Juifs hellénistes, et elle ignorait alors cette vaine distinction des livres canoniques et des livres apocryphes. Les églises d’Afrique, qui sont redevables de leur créance à Eglise de Rome, ont aussi reçu d’elle cette même Ecriture et de la même manière ; comme il parait manifestement des ouvrages de saint Cyprien, qui a donné le noi de Livres divins et inspirés aux livres dont il est question aussi bien qu’au reste de Ecriture… L’on nous oppose en vain les témoignages de quelques docteurs de l’Orient et de l’Occident, qui ont approuvé, dit-on, le Canon des Juifs. Il faut remonter jusqu’à la source et pénétrer les raisons qui ont fait approuver à ces docteurs l’opinion des Juifs de la Palestine. Le commerce qu’ils ont eu avec eux, et la lecture de leurs livres, soit en hébreu ou en grec, les a jetés insensiblement dans une opinion opposée à celle qui était dès les commencements dans l’Eglise. Africanus est un des premiers qui l’ait fortement appuyée, parce qu’il avait une grande connaissance de la littérature juive. Saint Jérôme et Rufin l’ont aussi embrassée pour les mêmes raisons ; au lieu que saint Augustin a suivi la créance commune de son église, et confirmée dans un concile de Carthage[1]. » Ainsi, d’après ces réflexions, dont la justesse paraît incontestable, les apôtres ont donné des livres deutéro-canoniques à l’Eglise primitive comme Ecriture sainte. D’ailleurs qui pourrait jamais croire que la plupart des anciennes églises se soient si bien accordées à regarder ces livres comme divinement inspirés, si les apôtres ne leur avaient enseigné rien de semblable ?

2. L’ancienne version italique, qui remonte jusqu’au temps des apôtres, et qui a toujours été à l’usage de toutes les églises latines jus- qu’à saint Jérôme, contient les livres deutéro-canoniques.

3. Ces livres sont regardés comme faisant partie du Canon sacré des Ecritures par le concile de Rome sous le pape Damase en 379 ; par celui d’Hippone, tenu en 393, et par les conciles de Carthage, célébrés en 397 et 419. Le pape saint Innocent Ier, adressant une lettre à Exupère, évêque de Toulouse, en 405, rangea ces mêmes livres dans le Canon. Le pape Gélase fit de même au concile de Rome tenu en 494 ; d’où l’on voit clairement que dès le Ve siècle les principales églises, celles de Rome et d’Afrique, admettaient les livres deutéro-canoniques. En 4441, le pape Eugène IV, dans son décret aux Arméniens, met sans aucune distinction les deutéro-canoniques parmi les livres sacrés.

  1. R. Simon. Réponse aux sentiments de quelques théol. de Hollande, ch. XI, pag. 110, 111. Cette remarque de R. Simon se trouve confirmée par une observation tout à fait analogue que fait Bossuet dans son Projet de réunion, etc. Lettre XLI, Tom. XXVI, pag. 363, édit. de Lebel.