Aller au contenu

Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

 
Puis tout se tait, et la lune sanglante
Au sombre ciel apparaît, triste et lente ;
La Mort livide emplit le val fumant,
Et dans la brume où son grand spectre nage,
Rendus joyeux par l’odeur du carnage,
Les noirs corbeaux volent confusément.

Les chevaliers sont étendus et roides ;
Tous vers le ciel tournent leurs faces froides.
Pourtant leur bras n’était pas encore las ;
Et maintenant, insigne félonie !
Leur cœur chrétien et vaillant les renie.
Roland les voit navrés et dit : « Hélas !

Ô doux amis dont j’admirais la taille
Droite et si ferme, en un jour de bataille,
Les voilà donc des vivants rejetés !
Tous étaient fiers et de hardi courage,
Et devant Dieu, qui les vit à l’ouvrage,
Ces braves gens se sont bien comportés ! »

Au pied d’un arbre à la haute ramure
Dont l’ombre couvre au loin la moisson mûre,
Sur son écu, dont l’acier non terni
Renvoie au ciel une blanche lumière,
Il s’est couché, puis il fait sa prière,
Car il sent bien que son temps est fini.