Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

 
Mais tout à coup sa grande âme est frappée
De cette idée, hélas ! que son épée
Va devenir butin aux Sarrasins,
Et que bientôt cette guerrière prude,
De bonne trempe, aux ennemis si rude,
Pourra servir à de méchants desseins !

Son âme en pleure. Alors, aveugle, blême,
Pour la sauver de cet affront suprême,
Contre un rocher il heurte Durandal.
Le mont frémit sur sa solide assiette,
Le roc se fend et sous les coups s’émiette :
L’arme flamboie et ne sent aucun mal.

Roland en vain redouble, hors d’haleine ;
L’écho des coups retentit dans la plaine,
Et Durandal, joyeuse, semble encor
Être au combat ainsi qu’elle a coutume,
Lorsqu’au milieu du sang épais qui fume,
Parmi les cris chante la voix du cor !

Alors Roland s’assied au pied d’un arbre ;
Déjà son front a la pâleur du marbre :
« Ô Durandal claire et de bon acier !
Le forgeron t’a faite belle et dure :
Reste loyale, amie, et toujours pure :
Toi qu’on trempa dans le sang nourricier !