Aller au contenu

Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jusqu’ici pour avoir la vengeance complète,
Dis-je, attendons encor. Le vent de nuit soufflète
Nos fronts. Allons souper tous à Furiani.
Là, nous déciderons comment sera puni
Ce boucher dont la main ce matin était sûre,
Et nous lui rendrons tout : mesure pour mesure !

On lia les deux mains du bourreau fortement,
Par derrière. Il avait comme un gémissement
Qui ne pouvait sortir dans le gosier. Sa bête
Nous servit. On le mit à plat-ventre ; la tête
D’un côté, les deux pieds de l’autre, il ballotait :
On eût dit que c’était un sac que l’on portait.

Le chemin que l’on prend quand on quitte la plage
Est rude, lorsqu’il faut monter jusqu’au village ;
C’est un sentier de chèvre abrupt où les cailloux,
À chaque pas qu’on fait dégringolent sous vous,
Et le cheval avait le trot fort dur, en sorte
Que c’était une masse aux deux tiers déjà morte
Quand on fit prendre pied au bourreau. Je le vois
Encor, pâle, hébété, voulant crier, sans voix,
Si froid, qu’en le touchant on aurait dit du marbre.
Je le pris. Je passai sa corde autour d’un arbre
Et l’attachai tout près de son cheval. À l’un
Comme à l’autre on donna de l’eau bue en commun,
Puis de la paille pour manger, si, d’aventure,
Ils aimaient tous les deux la même nourriture.
Nous, nous buvions gaîment du vin de Tallano