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Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/289

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Chante encor, comme au temps de nos vertes années,
Le monde attend de toi de nouvelles chansons.
Vois ! les voûtes du ciel brillent illuminées,
Et la rose a frémi d’amour sous les buissons. »

Et je lui répondrai : « M’amie, au clair de lune,
On se peut enrhumer facilement. Le soir
Était déjà malsain, quand ma tête était brune,
Puis en plein air, d’ailleurs, on n’aurait qu’à nous voir !

— Attendons à demain, soupirera la Muse,
Le clair soleil de juin, joyeux et réveillant
Les oiseaux dans la masse animée et confuse
Des branches, planera dans l’espace brillant

— Je ne pourrai chanter demain non plus, m’amie.
Le soleil est mauvais pour mon front découvert ;
Il échauffe par trop ma cervelle endormie,
Et blesse l’œil malgré ce noble abat-jour vert.

— Hélas ! » fera la Muse, et, de ses mains ridées,
Elle essuîra les pleurs qui mouilleront ses yeux.
Alors, réunissant quelques pauvres idées,
Je lui dirai : « Voyons ! pourtant je suis bien vieux ! »

Ô spectacle touchant ! sur la lyre faussée,
Haletant, et penchant tous deux nos fronts jaunis.
Nous recommencerons, sans craindre la risée,
La chanson de Monsieur et madame Denis.