Page:Glatigny - Joyeusetés galantes et autres, 1884.djvu/57

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Elle est belle, la fille aux épaules solides,
Belle comme la Force aveugle et sans effroi !
Il faut pour l’adorer longtemps des cœurs valides.
À l’épreuve du chaud, de la pluie et du froid.

Les phtisiques amants de nos lâches poupées
Reculeraient devant ce corps rude et puissant,
Dont les mains, aux travaux de la terre occupées,
Montrent au lieu de lis l’âpre rougeur du sang.

Au détour d’un sentier alors qu’elle débouche
Ainsi qu’une génisse errant en liberté,
On croit voir la Cérés indomptable et farouche
Du gras pays normand, si riche de santé.

Regardez-la marcher parmi les hautes herbes.
La fille aux mouvements sauvages et nerveux,
Pendant que sur son front les grands épis des gerbes,
Poussiéreux et serrés, hérissent ses cheveux.

C’est auprès de Bayeux que je l’ai rencontrée,
Dans un chemin couvert, bordé par des pommiers,
Où, la blaude flottante et la jambe guêtrée,
Le nez à l’air rougi, passaient deux gros fermiers.