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Qui, tenant une torche entre leurs doigts graisseux,
Ont jeté Jeanne d’Arc sur le bûcher en flammes !
Ô peuple de marchands et de boursiers, infâmes
Et dans les temps nouveaux et dans les temps anciens !
Leurs femmes ont léché les pieds des Prussiens !

Ô France ! quand viendra l’heure de délivrance,
Voudras-tu recevoir encore, ô noble France !
Dans ton sein généreux ce pays éhonté ?
Fais-en un bagne, un lieu sinistre et redouté,
Un Montfaucon où rampe une foule avilie ;
Arrache à tout jamais cette page salie
De ton histoire, ô France ! et jette sur ce nom
La cendre des cités qu’abattit le canon,
La cendre de Phalsbourg, de Toul, de Thionville,
De la fière Strasbourg, de Châteaudun, la ville
Qui renaîtra demain une couronne au front !
Vous Évreux et Rouen, conservez votre affront,
Gardez-le ; vautrez-vous sans pudeur et sans honte
Aux pieds du caporal allemand qui vous dompte ;
Payez tant pour garder intacte votre peau
Et celle du goujat qui vous mène en troupeau,
Mais n’essayez jamais de relever la tête,
Car l’avenir vengeur a déjà la main prête
Et levée, ô hideux refuges de valets,
Pour rabattre aussitôt votre face à soufflets !


Beaumesnil, 8 décembre 1870.