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Premier Péché

moisson, comme il s’acharne à nous. C’est un traître, petite, c’est l’Iroquois des nations oiseaux, c’est lui qui m’a tué mes petits, c’est lui qui m’a tuée… Venge-moi !…

Puis la pauvrette ferma ses petits yeux, l’enfant lui fit une tombe de ses deux mains, et pleura, pleura longtemps sur la fauvette tuée par le moineau.

Ce fut son premier chagrin. Un oiseau lui révéla la méchanceté que son âme jeune ne soupçonnait même pas…


***


À Gaston


Vous qui aimez les moineaux, Gaston,[1] c’est que vous n’avez pas assisté à l’agonie d’une fauvette, c’est que vous ignorez la perversité du moineau, c’est que vous ne saviez pas qu’il avait coûté les premiers pleurs d’une enfant, c’est que vous n’avez pas vécu vos premières émotions avec le vent, les feuilles et les oiseaux.

Je vous dédie l’histoire d’une fauvette amie, dont le trépas fut mon premier deuil : et si une petite larme tombe encore ici, sur la tombe de Maman Fauvette, il faut comprendre cet attendrissement donné à toute une page de ma vie libre.

Gaston, n’aimez plus les moineaux, je vous prie, ils sont méchants ! Aidez-moi plutôt à venger la jolie fauvette qui me modula les premières harmonies, et pour le meurtre de mes fauvettes, je demande qu’on scalpe de leur étoffe grise, tous les odieux moineaux. On ne permet pas à de vulgaires étrangers de porter la livrée canadienne.

Je hais les moineaux, tueurs de fauvettes. Gaston, je vous passe ma haine !

  1. M. Gaston de Montigny qui avait signé de son prénom, un spirituel article intitulé « Moinerie. »