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Page:Gleason - Premier péché, 1902.djvu/72

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Premier Péché

Il papillonne autour des beautés, distribuant ses sourires, répétant ses fadeurs, avec le même regard admiratif qui trouble les jeunes cervelles.

La pauvre le regardait encore lorsqu’elle le voit accepter une autre fleur détachée du bouquet d’une jolie amie, et après le traditionnel baiser, la mettre dans le même calepin…

Un cri monte à ses lèvres : elle le retient ; mais en son cœur un brisement se fait, et lentement, les yeux tristes, la lèvre désenchantée, elle murmure :

Oui, ce doit être cela, le monde !

Pauvre petite, la première illusion est déjà passée, et de cette minute la fillette a vécu, la femme lui survit : sérieuse et fine, méfiante des vains hommages et comprenant que l’amour vrai ne se déclare pas ainsi.

Cette désillusion lui ouvre les yeux. Elle comprend une foule de choses inconnues, elle devine maintes tromperies : elle pressent qu’aux roses il est des épines, et vivement la jeune fille se redresse.

C’est la lutte, eh ! bien, elle est prête, et son cœur brave et aimant n’est pas de ceux qui se donnent dans une minute, pour se reprendre dans l’autre. Elle se sent tous les dévouements, toutes les tendresses, et ce trésor-là sera gardé pour l’être digne de le recueillir.

Pauvre petite débutante, elle sourit maintenant, mais à la vraie fête, loin de ce bal où après trois tours de valse, elle a compris ce que certaines lèvres sèment de banalités, de mensonges inconscients et de douleurs voilées…