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Page:Gobineau - Adelaïde - 1914.djvu/28

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changer. Au bout de six mois tout le monde, sauf les deux transis évincés, en avait pris. l’habitude, et il n’en était plus question.

Cependant, en apparence, du moins, rien de plus absurde. Elisabeth avait trente cinq ans et était dans l’éclat parfait de sa beauté, avec une réputation d’esprit grandissant chaque jour et qu’il était impossible de surfaire. De son côté, Rothbanner, pour faire admettre son bonheur, n’exhibait que ses vingt deux ans, une jolie tournure et rien encore de cette valeur intrinsèque qu’on lui a reconnue depuis; mais alors ce joyau était caché dans sa coquille. Pour déterminer ce qui était arrivé, il avait fallu cette profondeur de réflexion et cette sagacité d’égoïsme, dons précieux de la comtesse, la plus accomplie des créatures en toutes choses et surtout dans cette sagesse des enfants du siècle qui mène ceux qui la possèdent à n’avoir pas volé la damnation éternelle. Elisabeth Hermannsburg avait pensé qu’au comble de sa gloire elle était bien voisine de la pente qui allait la conduire à en descendre. Elle avait monté dans les fleurs; il allait falloir bientôt descendre dans les ronces. Pour savoir ce qu’une femme adorée devient d’ordinaire, elle n’avait eu besoin que de jeter les yeux autour d’elle et les jardins d’Armide où elle régnait lui avaient montré en foule leurs gazons verdoyants peuplés de vieilles cigales dont les voix prophétiques n’étaient comprises de personne hormis d’elle-même. Elle examina l’une après l’autre la destinée de chacune de ces tristes métamorphosées