Page:Gobineau - Adelaïde - 1914.djvu/46

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l’aime fort dans le monde où il ne porte que les meilleures façons et le ton d’une bienveillance universelle. Mais avec tout cela, il me fait exactement l’effet d’un chapeau de Paris: c’est ravissant, bien chiffonné, d’un air exquis, ça coûte très cher et quand on analyse le fait, ça ne vaut pas quatre sous de bon argent. Les gens comme Rothbanner sont comme les vélocipèdes: ils ne roulent que sur les trottoirs. Hors des trottoirs, ça tombe. Moi, j’aime mieux les gens qui sont gênés sur les trottoirs, mais qui peuvent très bien marcher dans les bois.

Quoi qu’il en soit de ma digression, voilà Adélaïde revenue où elle voulait aller et installée au cœur de sa conquête. Elisabeth n’eut pas même deux heures devant elle pour organiser les barricades. Aussitôt qu’aux yeux de toute la maison attendrie les deux femmes se furent embrassées, Adélaïde suivit sa mère dans sa chambre, poussa le loquet, s’assit et fit le discours suivant:

— Madame, puisqu’il vous a plu de faire le malheur de ma vie, vous ne trouverez pas extraordinaire que je vous rende la pareille. Vous devez bien sentir que la partie n’est pas égale entre nous !

— Vous êtes la plus forte ?

— Assurément et je ne compte pas vous rien céder.

— Je m’y attendais et c’est pourquoi je vous cède tout. M. de Rothbanner est ici et je vais le faire appeler.

Le verrou ouvert, Elisabeth sonna, fit demander son mari, celui-ci se présenta. Elle sortit et le laissa seul avec