Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/127

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un signe amical et acheva d’écrire la phrase commencée. Quand ce fut fait, il se tourna vers son homme lige.

— Altesse, lui dit celui-ci, je suis allé vous chercher en ville. On m’a assuré que vous aviez dû coucher ici. Je suis venu ici. Je le vois avec plaisir : vous avez daigné vous occuper cette nuit du bonheur de notre contrée et je vous en remercie. Ne pas se coucher du tout serait malsain pour de pauvres diables comme moi ; mais je n’hésite pas à penser que c’est une précaution admirable pour un prince et qui indique à coup sûr, chez lui, un excellent état de santé physique et morale, ce dont je vous fais mon sincère compliment.

— Je ne l’accepte pas, docteur ; je ne me suis pas couché, simplement parce que je n’aurais pu dormir.

— C’est un effet que j’oserais dire galvanique, répliqua Lanze. Il n’est guère possible qu’une étoile se déplace sans qu’il en résulte un choc d’électricité.

— Cette façon tend à indiquer, sans doute, qu’à ta connaissance la comtesse Tonska est partie cette nuit ?

— Vous me devinez parfaitement, Altesse. Cette dame est pour moi l’objet d’un intérêt particulier. Sujet précieux ! Elle a manqué rendre mon fils imbécile et porte mon souverain à s’exagérer ses devoirs envers ses humbles sujets au point de ruiner sa santé ! Je lui reconnais une influence supérieure à celle des tables tournantes.

— Comment as-tu su qu’elle était partie ?

— Ah ! mon Dieu ! j’ai honte de le confesser. Vous paraissez me considérer, en ce moment, comme un familier du Conseil des Dix. Mon Dieu, non ! La laitière l’a dit à ma femme qui vient de me le raconter tout à l’heure, en me donnant ma tasse de café matinale. C’est prosaïque, et je vous en demande infiniment pardon.

— Laissons ce sujet, j’ai quelque chose d’important à