Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE TROISIÈME

— Pourrais-tu me dire s’il est vrai que ton frère soit allé à Londres acheter des chevaux pour le prince ?

— Non, Altesse Royale. Monseigneur l’a envoyé à Florence. Je pense qu’il s’agit d’y faire des études pour la nouvelle salle du Musée.

— Je te dirai, petite, que c’est la comtesse Dalburg qui est venue me faire ce ragot. J’étais sûre qu’il ne pouvait y avoir un mot de vrai là dedans, car ton frère ne doit pas s’entendre en chevaux. Je l’ai dit à la comtesse et lui ai soutenu qu’il en est tout à fait ainsi. Mais, dis-moi, que signifie ce départ subit de madame Tonska au milieu de la nuit ? On prétend qu’un postillon a failli écraser une sentinelle dans l’obscurité, et cela ne m’étonnerait pas. Est-il vrai que la comtesse ait été mandée en toute hâte à Pétersbourg, afin d’y devenir gouvernante d’une des jeunes grandes-duchesses ? Je croirais plutôt qu’elle s’est mise en route pour l’Italie, à la suite de ton frère ; car, entre nous, les gens bien renseignés assurent qu’il ne lui déplaît pas.

La fierté de Liliane fut blessée. Cette petite âme sentit qu’il lui était fait là des confidences assez mal placées. La princesse Amélie-Auguste devint toute rouge, et une étincelle qui ressemblait au feu de la colère s’alluma dans ses yeux. Mais elle se mordit la lèvre avec force