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Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/148

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et ne dit rien. Mademoiselle Lanze, après un instant de silence, répondit à Son Altesse Royale d’un ton respectueux, mais assez sec :

— Altesse, je ne crois pas ces choses-là ; dans tous les cas, personne ne m’a dit rien de semblable.

— À ton aise, mon enfant, repartit la souveraine ; si tu ne veux pas parler, je ne te forcerai pas ; je t’avertis seulement que c’est le bruit de la ville, et on ne s’entretient d’autre chose.

— Il est tard, répliqua Liliane, avec un redoublement de roideur, et je dois rentrer à la maison. Je demanderai à Votre Altesse Royale la permission de me retirer.

— Fais ce qui te plaît, chère petite, et ne manque pas de transmettre mes amitiés à madame la docteur Lanze. Je sais qu’elle a fait choix d’une nouvelle cuisinière qui sort de chez madame la comtesse Dalburg. Puisse-t-elle en être plus satisfaite que celle-ci ne l’a été !

Liliane avait mis son chapeau, pris son châle et son ombrelle. Elle baisa la main de la princesse, Amélie-Auguste la serra vivement sur son cœur, et elle sortit.

Elle était révoltée, et considérait son frère comme une victime de la plus odieuse calomnie. Elle regretta amèrement, à cette heure, que des principes religieux pareils aux siens ne fussent pas présents au cœur de Conrad, pour le soutenir dans ce qu’elle considérait comme une terrible épreuve. Elle s’imaginait, en effet, que la ville entière était occupée, comme la princesse le lui avait fait entendre, à raisonner sur l’aventure du jeune sculpteur et de la comtesse polonaise, et elle voyait d’avance le pauvre jeune homme blâmé par chacun et en butte à la disgrâce du prince. En traversant la rue du château, elle aperçut de loin, dans le grand café, sous les arbres et au milieu des jardins, le professeur Lanze,