Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/173

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dans quelques semaines. J’aime à penser que je vous suis toujours de quelque chose. Je ne demande pas beaucoup, mais je ne voudrais pas être oubliée tout à fait. Adieu, cher Wilfrid ; je vous ennuie peut-être en vous écrivant si longuement. Pardonnez à une vieille amie si bavarde.

« Harriet. »

Cette lettre fut mise à la poste et ne trouva pas Nore en Angleterre ; il n’avait fait qu’y passer, n’était pas allé à Wildenham, et, de suite, avait pris son chemin vers l’Italie. Puis, tout à coup, il avait changé d’idée ; étant à Turin, il avait rebroussé vers Paris, et, à peine à Paris, était parti pour Naples ; mais il ne s’y était pas arrêté et s’était dirigé vers Corfou ; là, il s’était encore trouvé mal à l’aise probablement, car il avait conçu le projet de visiter Venise, et de Venise il était venu aux lacs où nous l’avons rencontré. Ce fut à Milan que la lettre d’Harriet l’atteignit.

Un matin, avec Laudon, ayant demandé sa correspondance à la poste, il trouva les lignes de son amie et une autre missive encore. Son compagnon en eut une également. Ils s’assirent sur un banc, sous des arbres, et se mirent à lire chacun de leur côté.

Lorsque Nore eut achevé ce que lui disait Harriet, il resta pensif assez longtemps ; puis remit la lettre dans son enveloppe, l’enferma dans son portefeuille et plaça le tout dans sa poche de côté. Cela fait, il regarda la seconde et reconnut la grande écriture impérieuse et brouillonne de sa cousine lady Gwendoline.

Au moment où il l’ouvrit, une odeur exaspérée de trente-huit mille parfums extraordinaires s’en échappa comme une légion de diables roses. Le papier portait un chiffre de deux pouces de hauteur, rouge, bleu, vert,