Aller au contenu

Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je vous en conjure, ne me rejetez pas dans le monde, j’y ai trop souffert !

— Vous ne retournerez pas précisément dans le monde, comme vous l’entendez ; mais pas de couvent ! La solitude, un retirement trop absolu ne vous vaudraient rien.

— Est-ce vraiment votre avis ? demanda la comtesse d’un air intéressé, en appuyant son coude sur son oreiller et en regardant en face son sage conseiller.

— Incontestablement, répondit celui-ci d’un air péremptoire, et je ne vous le donne qu’après y avoir mûrement réfléchi. Et non-seulement je ne crois pas que le repos complet du cloître puisse convenir à une nature aussi ardente que la vôtre ; je vais plus loin ! Vous n’avez pas une vocation sérieuse. Oh ! je le sais ! Comme toutes les âmes d’élite, vous êtes persuadée du néant de tant de choses qui maîtrisent l’imagination du vulgaire et conquièrent sa révérence ; mais, ce n’est pas assez ; il faudrait être morte à bien des impressions, même aux plus nobles, et le perindè ac cadaver ne saurait s’appliquer à vous.

— Je ferai plier ce qui résiste et je le tuerai, s’il le faut, s’écria Sophie en se rejetant sur ses oreillers et croisant ses bras sur ses yeux.

— Ce n’est pas nécessaire, répliqua sévèrement Gennevilliers, si vous pouvez faire plus de bien en restant dans le siècle qu’en en sortant.

— C’est là un prétexte bon à exercer, à glorifier même, la langueur et la lâcheté !

— Il n’en sera point ainsi pour vous, et de vrais sages et des héros de charité, comme Anatole de Bosse, par exemple, et plusieurs de nos amis, vous indiqueront assez ce qu’il convient de faire.

— Je ne veux de directions que les vôtres ! Je me mets