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Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/254

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Don Pierre en fit autant avec une répugnance extrême ; mais, comme son adversaire le pressait un peu trop, l’instinct lui fit serrer son jeu, et, après quelques secondes, le fer entra dans le corps du jeune homme qui tomba, ne prononça pas un mot, et expira. Une ronde de nuit se précipita sur les combattants, c’est-à-dire sur le mort et le survivant, et quand la qualité du coupable eut été reconnue, les gardes de police n’osèrent pas même hasarder une question ; ils emportèrent le cadavre, et don Pierre rentra chez lui.

Le lendemain, la ville entière apprit ce qui venait d’arriver. Doña Pilar accourut, pleurante, chez doña Isabelle et lui dénonça le crime et la cause du crime, que la malheureuse femme ne connaissait déjà que trop. Elle venait, de son côté, d’appeler sa famille auprès d’elle. Elle avait écrit de même aux parents de don Pierre, et les amis du lieutenant arrivèrent pour demander justice. Doña Isabelle raconta ce qui s’était passé entre elle et son mari ; doña Carmen, d’après l’ordre de sa mère, révéla sa conversation avec le coupable. On aurait voulu le faire arrêter ; mais il était l’autorité suprême du pays ; il fallait un ordre de la cour ; d’autre part, solliciter cet ordre, c’était bien grave. On passa plusieurs jours à délibérer. Il arriva un incident qui précipita les choses.