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Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/293

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Théodore, profondément ému, se jeta dans les bras du frère aîné de son père et lui demanda son affection.

— Je n’en ai plus beaucoup à donner, répondit le vétéran ; une partie est dans la terre, l’autre, la voilà, et il regarda sa fille. Mais ce qu’il en peut rester, mon neveu, je vous la dois ; elle est à vous.

Il fut créé le jour même lieutenant général et commandant en chef de l’armée. Jean-Théodore comprenait que les titres les plus brillants du monde ne causeraient pas grand plaisir à Guillaume, mais les devoirs qui s’y rattachaient allaient lui rendre une vie à peu près semblable à celle qu’il avait perdue, et lui feraient sinon le tout, du moins une partie de sa vie ancienne. Puis il fallait, vis-à-vis du public, que l’oncle prodigue, dont on avait tant médit, fût innocenté par le souverain. Quant à Aurore, elle fut créée comtesse Pamina et eut rang à la Cour après la famille régnante.

Toutes ces attentions ne laissèrent pas que de toucher l’endroit vulnérable du cœur de Guillaume. Il aimait déjà son neveu, il l’adora, et quand celui-ci, devinant un vœu secret, eut fait venir les cendres de l’épouse tant pleurée, et eut ordonné de les placer sous un mausolée magnifique parmi les tombeaux de la maison régnante, Guillaume se dit secrètement à lui-même : — Misérable drôle ! tu as bien su ressentir les procédés de ton frère et les injustices du Conseil aulique, mais tu n’as pas assez d’honneur pour avoir deviné ce que vaut cet enfant !

À dater de ce jour, Guillaume retrouva le calme et s’organisa une existence suivant ses goûts. Chaque matin on le voyait arriver, en petite tenue, à l’état-major général. Il y travaillait, recevait et présidait des commissions, assistait à des expériences. Ensuite, il visitait les casernes, surveillait les exercices, donnait des au-