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Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/295

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arriva au milieu des pierres et des cristaux admirablement classés par leur savant propriétaire ; la clarté des lampes et des bougies y faisait miroiter mille feux. Ces cailloux avaient l’air de comprendre qu’on s’occupait d’eux, qu’on les regardait, qu’on les interrogeait, et ils répondaient par leurs plus beaux scintillements.

Dans de pareils moments, l’esprit se dégage de ce qui l’attriste ou l’inquiète ; il s’élance dans une sphère où le chagrin n’atteint pas, où le désir n’énerve plus, où ce qui manque disparaît. Alors on ne vit pas dans un passé funéraire, ni dans un avenir voilé d’obscurs et tourmentants secrets ; on est tout au présent ; on le tient, et non pas le présent transitoire, mais l’éternel présent dans lequel s’épanouit la nature, qu’elle étend sur vous au moment de cette communication si étroite où vous vous trouvez avec elle. Vous lui parlez, elle vous embrasse ; vous l’aimez, elle vous aime et vous entraîne au plus haut de ses cieux, et quand vous êtes plusieurs compagnons ainsi occupés à l’interroger et à l’entendre, et que vous comprenez ses réponses de la même manière, à peu près au même degré, vous pouvez vous dire que vous jouissez du plus pur et du plus délicieux des festins ; vous êtes aussi près du bonheur qu’il est accordé aux hommes d’y arriver.

À dater de ce jour, Nore devint le favori déclaré du duc Guillaume, et l’on devine assez que, du côté d’Aurore, la faveur ne laissa pas que de se prononcer également. Cependant la jeune comtesse préférait un peu la facilité d’esprit, de façons et de langage que Laudon possédait si bien. Peut-être sa raison, dans toute la plénitude de la réflexion et de l’équité, eût-elle accordé la supériorité réelle à Wilfrid, mais il n’y a pas que de la raison dans le jugement que nous portons les uns des autres, et l’ama-