homme du siècle, un homme de chair et de sang, orgueilleux et sans âme, sans générosité et sans noblesse, prêt à épouser une fille de rien, le fruit du plus coupable mariage, pour quelque avantage d’argent. Quant à son associé, elle ne voulait pas le juger par respect pour elle-même ; il lui suffisait pourtant qu’il fût Français, et, dès lors, elle savait qu’en penser ; ce ne pouvait être que le vice incarné. Le jour où elle se prononça d’une manière si précise et rendit, sans appel, un arrêt aussi sévère contre deux hommes qu’elle ne connaissait pas, la chère princesse croyait simplement donner à sa confidente une nouvelle preuve de ses perfections et de l’irréconciliable pureté de son âme. Elle atteignit un tout autre résultat ; elle blessa Liliane sensiblement.
Celle-ci n’aimait pas la comtesse Pamina, mais uniquement pour partager l’antipathie de sa royale amie ; d’ailleurs, connaissant fort peu Aurore, elle n’avait aucunement à se plaindre d’elle ; toutefois, depuis que Nore et Laudon avaient été décrétés par les deux observatrices comme fiancés éventuels de la fille du duc Guillaume, Liliane s’était mise à détester particulièrement, cordialement et pour son propre compte, celle qui devait accaparer un des deux amis ; car Dieu sait celui qu’elle perdrait, et, pour tout révéler, Liliane avait trouvé son idéal. Le lieutenant de Schorn était mis à l’écart. Sa vie pouvait avoir désormais son but et sa raison d’être ; on ne pensait plus à lui. On n’y songeait plus du tout ; il ne figurait plus à aucune page du journal, ni en bien ni en mal. Liliane avait la tête montée ; elle se disait qu’elle aimait Wilfrid Nore, et, voir traiter celui-ci aussi cavalièrement, aussi despotiquement par la princesse, lui paraissant le comble de l’injustice et de l’iniquité, elle repoussa de son cœur l’amie de sa jeunesse, la confidente