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Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/299

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ancienne de ses pensées, et se prit à la juger à son tour avec une dureté au moins égale à celle que son ennemie se permettait vis-à-vis de l’objet de sa secrète admiration.

Comme la race humaine se promène dans les ténèbres ! Tandis que la chère petite Liliane se livrait avec tant de charme à ses rêves, espérant, par instants, que la comtesse Pamina choisirait Laudon et lui laisserait Nore, et n’imaginant pas d’autre danger pour ses désirs, Nore était occupé à insister auprès d’Harriet sur une idée que, depuis quelque temps déjà, il lui avait communiquée. Il voulait la voir venir avec son père à Burbach ; c’était là qu’il prétendait faire célébrer leur mariage, et il arriva qu’un jour, le jour même de la fête de la princesse régnante, Laudon n’ayant, pour ainsi dire, pas quitté la comtesse Pamina de toute la soirée, chacun ayant répété autour de Liliane que, décidément, c’était le comte français qui l’emportait et qu’il allait épouser Aurore, la fille de Lanze s’abandonna tout entière à cette conviction et fut au comble de la joie, et, ce jour-là même, au bal, Nore portait sur lui une lettre d’Harriet où celle-ci annonçait son arrivée.