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Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/13

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un conteur exquis, un psychologue raffiné où ils s’attendaient à ne trouver qu’un professeur, voire un savant doublé d’un diplomate. On se rend compte que Gobineau est plus près d’un Stendhal et surtout d’un Mérimée que d’un Fustel de Coulanges ou d’un Tocqueville. Le spectre d’un Gobineau penché, entre deux rapports d’ambassadeur, sur de gros livres d’érudition, consumant sa vie à déchiffrer des hiéroglyphes comme un enfant des rébus, balayant la poussière des bibliothèques pour la secouer ensuite autour de lui, — commence à rentrer dans l’ombre, comme d’ailleurs la légende d’un Gobineau amateur et dilettante, ami des paradoxes et s’amusant à mystifier ses contemporains. La vérité est plus souriante à la fois et plus belle. Qu’on cède enfin la place à la vraie physionomie morale d’un artiste extrêmement avide de science, mais sans raideur, d’un lettré doué d’une magnifique culture, grand voyageur, causeur aimable, pessimiste parce qu’observateur et quand même idéaliste parce qu’ami de la Beauté. Durant sa longue carrière de diplomate — de diplomate par accident — Gobineau s’est reposé de travaux officiels, de rapports ministériels, de mémoires fastidieux, en composant des œuvres pleines de vie, d’humour et de psychologie. Comme tout homme de génie il eut — qu’on me passe l’expression — deux ou trois bateaux. Ceux-ci même ne sont dénués ni de style ni d’élégance et, s’ils prennent l’eau, aujourd’hui, par quelques fissures, encore voyons-nous combien peu il faudrait pour les rendre imperméables, et comme ils gardent fière allure !

Du moins, dans Mademoiselle Irnois, il serait difficile, je crois, de trouver le mauvais Gobineau, j’entends le systématique et l’homme à thèse. Voici une œuvre exclusivement littéraire. Cette nouvelle appartient à la première période de la vie de Gobineau, celle où, désireux de gagner son pain et la gloire