Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/26

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Tel était M. Irnois, telles étaient les compagnes de sa solitude.

Quant à la vie qu’il menait, il faut en parler ici. M. Irnois, avec tous ses hôtels, ses grands biens, ses immenses revenus, n’avait jamais pu se faire au luxe, et se trouvait gêné dans les grands appartements. On l’accusait d’avarice, et l’on était injuste ; s’il ne dépensait pas, c’est que cela ne l’amusait point. Il habitait au second étage d’une maison sise dans le quartier des Lombards. On sait ce que sont les demeures humaines dans ce coin de Paris. Toutes les chambres étaient uniformément carrelées de rouge, hors le salon parqueté ; toutes les chambres étaient uniformément sombres, hors les chambres à coucher plus sombres que tout le reste, parce qu’elles donnaient sur la cour.

Les meubles étaient d’acajou dans les grands appartements, de noyer dans les petits ; le velours d’Utrecht jaune régnait partout en maître, et quelques pendules dorées, représentant Flore et Zéphyre ou l’Amour attrapant un papillon, sous verre, étaient les dernières limites de la magnificence Irnois. D’objets d’art, il n’y en avait pas d’autres que le portrait à l’huile du maître du logis, épouvantable création de quelque barbouilleur d’enseignes. Le domestique se composait d’une cuisinière, d’une grosse femme de confiance et d’un petit garçon mal vêtu et jamais peigné qui cumulait des emplois d’importance très diverse, tantôt fendeur de bois, tantôt commissionnaire, tantôt secrétaire intime, tantôt laquais. Voilà l’organisation de ce ménage où M. Irnois ne trouvait rien à