Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/32

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Elle n’aimait pas à marcher, elle y trouvait trop de peine et de fatigue ; puis elle ne s’y était jamais accoutumée ; de telle sorte que, lorsqu’il s’agissait de passer d’une chambre dans une autre, on entendait la petite voix douce d’Emmelina :

— “Jeanne ! porte-moi !”

Et Jeanne la portait.

On pourrait croire que se voyant adorée, adulée et obéie, Emmelina était gâtée, très volontaire, capricieuse et toujours en dépense de fantaisies et de volontés. Mais point. Elle passait à peu près tout le jour dans le silence et sans rien faire. Sa mère aurait aimé à la voir s’occuper, mais jamais on n’avait pu obtenir cela d’elle. La broderie, la tapisserie ne la séduisaient pas ; l’éclat des laines et de la soie lui importait peu ; elle n’avait aucun goût de toilette ; elle ne songeait jamais à la parure, et jamais elle ne s’était demandé si sa figure était belle ou laide. Son tempérament était apathique ; jamais elle ne voulait ni ne désirait rien ; elle ne paraissait pas s’ennuyer, mais elle ne s’amusait pas non plus. Une fois, on l’avait conduite à l’Opéra, l’événement avait fait époque dans la maison, M. Irnois, sa femme, ses deux belles-sœurs et Jeanne avaient été très frappés de la magnificence du spectacle ; Emmelina seule n’avait rien témoigné et n’en parla point dans la suite. Véritablement, elle avait peu de part à la vie, et, dans ses grands jours d’activité elle prenait un ourlet, toujours le même.

D’éducation intellectuelle, elle n’en avait reçu aucune ; d’ailleurs, personne autour d’elle ne l’avait même jugé