Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/33

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nécessaire. Seulement la tante Julie Maigrelut, qui, de temps en temps, feuilletait assez volontiers un roman de M. Ducray-Duminil, ou de Mme de Bournon-Malarme, lui avait appris à lire, et elle se servait de cette science pour prendre quelquefois Peau d’Âne ou le Chat Botté dans le volume de Perrault ; elle avait commencé par là avec son institutrice, et elle ne s’était jamais risquée seule à aller plus loin. À dix-sept ans encore, elle prenait Peau d’Âne ou le Chat Botté, et passait toute une journée dans sa compagnie. Elle n’y rencontrait pas grand charme, mais non plus grande fatigue, et il ne lui en fallait pas davantage.

Tous les jours, à huit heures, Jeanne, qui couchait dans sa chambre auprès de son lit, s’en approchait pour savoir comment elle avait dormi, demande quotidienne à laquelle Emmelina répondait quotidiennement :

— “Bien, Jeanne.”

Mais son teint plus ou moins pâle, ses yeux plus ou moins battus, étaient les véritables témoins que Jeanne interrogeait. La consultation terminée, Jeanne se rendait tout en courant chez M. et Mme Irnois, où elle communiquait ses sentiments, où elle déclarait combien de fois Emmelina avait bu pendant la nuit. Si le bulletin était mauvais, M. Irnois devenait plus loup que de coutume, et sa voix furibonde allait porter la terreur jusqu’au fond de la cuisine. Mlles Maigrelut savaient alors à quoi s’en tenir sur la marche de toute la journée, et venaient par leurs glapissements prendre part à la désolation générale.