Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/65

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autour de la malade. Cabarot ne fut pas moins leste. Cette scène douloureuse rentrait pour lui dans les choses prévues. Il ne s’était pas attendu à en être quitte à moins, car il avait trop d’esprit pour supposer que l’affaire de son mariage, déterminée si brusquement par une volonté d’en haut, se pourrait conclure sans quelque récri du côté de l’indépendance violentée.

Il offrit gracieusement son flacon pour faire revenir à elle son adorable Emmelina, comme il lui plut de s’exprimer. Mais le flacon n’y faisait rien : Emmelina restait sans connaissance.

— “Mon Dieu ! dit Mme Irnois en levant les épaules et en regardant Cabarot en face ; tout ce monde qui est là autour d’elle lui fait plus de mal que de bien.”

Cabarot ne crut pas devoir jouer la sourde oreille ; il pensa en avoir assez fait pour un premier jour.

— “Ah ! madame, s’écria-t-il d’un ton soumis, que je suis malheureux de ne pouvoir encore revendiquer un droit à prodiguer ici mes soins. Mais je comprends du moins vos inquiétudes maternelles, et je me retire. Adieu, Madame ; adieu, Mesdemoiselles, à demain. Recevez mes profonds respects.”

Il saisit la main de Mme Irnois et la baisa avec effusion ; il fit la même faveur aux mains sèches et tannées des deux vieilles filles ; il glissa un napoléon dans les doigts de Jeanne. Puis, en se retournant, il prit M. Irnois par le bras et l’entraîna avec lui vers la porte… Bien lui prit de le tenir ferme, car s’il n’eût dépendu que de sa volonté, le futur beau-père n’aurait pas suivi son futur gendre.