Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/86

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du secrétaire intime et de sa fidèle compagne Jeanne, puis elle monta en hâte trois étages et alla conter son méfait à l’ouvrier tourneur. Celui-ci s’empressa de mettre à la disposition de la belle désolée, son talent, ses outils et son bois, et il entra ainsi dans l’appartement de M. Irnois, où il n’avait jamais mis le pied.

Le hasard voulut qu’au moment où Emmelina traversant l’appartement, non pas portée, mais appuyée sur Jeanne, essayait dans son domaine une de ses promenades qu’elle ne consentait plus à faire que lorsque le tourneur n’était pas à sa fenêtre, et qu’elle l’avait attendu longtemps en vain, elle se trouva face à face avec le jeune homme.

Le coup fut électrique. En le voyant à quelques pas devant elle, Emmelina éprouva une sensation comparable à celle de ces gens à qui l’on met une vive lumière devant les yeux. Elle poussa un cri et rejeta sa tête en arrière. Dans ce mouvement brusque, son bonnet mal attaché tomba, son peigne se défit, ses beaux cheveux blonds se déroulèrent en boucles innombrables sur ses épaules. Soudain on vit aussi s’animer ses grands yeux et je ne crains pas de dire qu’avec toutes les imperfections de sa personne, elle eut à ce moment une exquise beauté.

Oui ! exquise, c’est le mot qui convient. Il ne pouvait être question pour la pauvre enfant d’un de ces triomphes de grâces réelles qui l’eussent fait admettre par le berger troyen à lutter sur le mont Ida avec les trois déesses. Mais si, douée de l’expression sublime qu’elle eut à ce moment, elle eût été, sur le bord d’une fontaine, rencon-