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Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques, ill. de Becque, 1924.djvu/160

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— Vous méritez tout en fait de biens. Voici ce dont il s’agit. J’ai parlé de vous au ferrash-bachi, chef des étendeurs de tapis de Son Altesse. C’est mon ami, et un homme des plus vertueux et des plus honorables. J’aurais tort de vanter son intégrité ; tout le monde la connaît. La justice, la vérité et le désintéressement brillent dans sa conduite. Il consent à vous admettre parmi ses subordonnés, et, à dater de ce jour, vous en faites partie. Naturellement, il faut que vous lui présentiez un petit cadeau ; mais il tient si peu aux biens de ce monde, que ce sera uniquement pour lui témoigner votre respect. Vous lui remettrez cinq tomans en or et quatre pains de sucre.

— Que le salut du prophète soit sur lui ! répliqua Gambèr-Aly un peu déconcerté. Oserais-je vous demander quels seront mes gages dans les fonctions illustres que je vais remplir ?

— Vos gages ! dit à demi-voix le Lion de Dieu, d’un ton confidentiel et en regardant autour de lui pour s’assurer que personne ne l’écoutait. Vos gages sont de huit sahabgrans (à peu près 10 fr. par mois), mais l’intendant de Son Altesse n’en paie généralement que six. Vous lui en laissez deux pour sa peine ; il vous en reste donc quatre. Vous ne voudriez pas témoigner de l’ingratitude à votre digne chef en ne lui en offrant pas, au moins, la moitié ? Je vous connais, vous en êtes incapable ; ce serait le procédé le plus inconvenant ! Nous disions donc qu’il vous reste deux sahabgrans. Que pouvez-vous en faire, si ce n’est d’en régaler le naybèferrash, le chef de votre escouade, pour vous en faire un ami sûr et dévoué, car, ne vous y trompez-pas ! sous des formes un peu abruptes, c’est un cœur d’or !

— Puisse le ciel le combler de ses bénédictions ! répartit Gambèr-Aly devenu fort triste ; mais que me restera-t-il, à moi ?

— Je vais vous le dire, mon enfant, reprit le Lion de Dieu, de l’air grave et composé qui séyait si bien à sa haute expérience et à son immense barbe. Chaque fois que vous irez porter un cadeau à quelqu’un de la part du prince ou de vos supérieurs, naturellement, vous recevrez une récompense des personnes honorées de pareilles faveurs, et d’autant plus que vous êtes fort gentil, mon enfant ! Il faudra,