Aller au contenu

Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques, ill. de Becque, 1924.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sans doute, que vous partagiez ce que vous aurez accepté avec vos camarades ; mais vous n’êtes pas obligé de leur dire exactement ce qu’on aura mis dans vos poches ; il y a là-dessus des petites réserves à faire que vous apprendrez bien promptement. Ensuite, quand vous serez chargé de donner la bastonnade à quelqu’un, il est d’usage que le patient offre une bagatelle aux exécuteurs, afin qu’ils frappent moins fort ou même tout à fait à côté. Vous aurez là encore un peu d’habitude à acquérir. Ce genre d’adresse innocente vient promptement, surtout à un garçon d’esprit comme vous. Comme je ne doute pas que vos chefs n’en arrivent promptement à vous estimer, on vous donnera quelque commission pour aller recueillir les taxes dans les villages. C’est affaire à vous d’accorder vos intérêts avec ceux des paysans, qui ne veulent jamais payer, de l’État, qui veut toujours recevoir, du prince, qui se fâcherait s’il avait les mains vides. Croyez-moi, ceci est une mine d’or ! Enfin, mille occasions, mille circonstances, mille rencontres se présenteront où je ne doute pas un seul instant que vous ne fassiez des merveilles ; et, pour moi, je serai vraiment heureux d’avoir pu contribuer à vous mettre dans une bonne position en ce monde.

Gambèr-Aly saisit le côté séduisant du tableau si complaisamment détaillé sous ses yeux, et il fut charmé de tant de perfections brillantes. Un seul point l’inquiétait :

— Excellence, dit-il d’une voix émue, que toutes les félicités vous récompensent pour le bien que vous faites à un pauvre orphelin sans appui ! Mais, ne possédant rien au monde que mon respect pour vous, comment pourrais-je donner cinq tomans et quatre pains de sucre au vénérable Ferrash-Bachi ?

— Bien simplement, repartit le Lion de Dieu. Il est si bon qu’il sait attendre. Vous lui ferez la petite offrande sur vos premiers profits.

— En ce cas, j’accepte avec bonheur votre proposition, s’écria Gambèr-Aly, au comble de la joie.

— Je vais vous présenter à l’instant, et vous entrerez en fonctions aujourd’hui même.

Le pishkhedmèt, tournant alors sur ses talons, emmena son jeune