Le premier, un vieillard, à l’air sombre et préoccupé, arrivait par hasard. Il entrait chez sa femme et venait voir sa fille et sa bru. L’autre, d’abord confondu par l’action inouie de Mohsèn, courait après lui, résolu à châtier ce qu’il avait quelque droit de considérer comme monstrueux. Voyant son père debout devant la porte, et là, sur le tapis, prosterné, Mohsèn aux pieds de sa mère, il s’arrêta.
— Qu’est cela ? demanda Abdoullah-Khan.
— Madame, dit Mohsèn, tenant toujours de ses deux mains la robe de sa protectrice, madame, je suis un Afghan ; je suis noble ; j’aime cette femme qui est à mon côté ; elle m’aime ; son père est l’ennemi du mien ; nous nous sommes enfuis ; on veut nous tuer ; je veux bien mourir, mais non pas qu’elle meure, ni qu’on la maltraite, ni qu’on l’afflige… Madame, on nous poursuit, on nous épie, votre noble fils nous a sauvés tout à l’heure ; lui, parti, nous péririons plus sûrement. Sauvez-nous !
La dame ne répondit rien, mais regarda son mari d’un air suppliant, et les deux jeunes femmes en firent de même, l’une pour son père et son frère, l’autre pour son mari. Mais Abdoullah-Khan fronça le sourcil, et, s’asseyant dans un angle du salon, laissa tomber ces paroles amères :
— Que signifient ces folles équipées ? Eh ! depuis quand un Afghan, un noble, est-il tellement égaré par la peur, qu’il ne se croie pas en sûreté suffisante quand il est chez moi ? Du moment que mon fils vous protège, qu’avez-vous à réclamer davantage ? Qui vous aurait osé toucher ?
— Vous ! repartit Mohsèn en le regardant entre les deux yeux.
— Moi ? s’écria le vieux chef.
Il secoua la tête avec dédain et continua :
— Vous êtes fou ! mais comme l’irréflexion ne saurait servir d’excuse pour une témérité telle que la vôtre, vous serez châtié.
Et Abdoullah-Khan fit le signe de frapper dans ses mains pour appeler ses gens. Mais, Mohsèn, s’adressant de nouveau à la dame âgée, lui dit :
— Votre époux ne me touchera pas ! Il ne me fera ni châtier, ni