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Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques, ill. de Becque, 1924.djvu/293

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seulement, ce qu’on appelle un Kizzilbash, descendu de colons persans, quelque chose d’analogue à un bourgeois. On n’estime pas la naissance de ces gens-là, mais on fait cas de leurs richesses et, à l’occasion, de leurs talents. Celui-ci s’appelait Goulâm-Aly et fut reçu avec la distinction que son poste à la Cour lui méritait. C’était, d’ailleurs, un ami d’Abdoullah-Khan.

— Eh bien ! lui dit celui-ci, après que les exigences de l’étiquette eurent reçu satisfaction et qu’on fut sorti des compliments, si j’en crois le Moulla, vous venez ici pour me donner vos conseils ?

— Dieu m’en préserve ! s’écria le médecin. Comment une telle impertinence serait-elle possible vis-à-vis de plus sage que moi ? Est-il vrai que vous ayez recueilli chez vous un certain malfaiteur appelé Mohsèn ?

— Mohsèn-Beg, Ahmedzyy, est dans ma maison. Est-ce de lui que Votre Excellence veut parler ?

— Précisément. Vous savez que Son Altesse le Prince (Dieu puisse éterniser ses jours !) est un miroir de justice ?

— De justice et de générosité ! qui en doute ?

— Personne. Mais le Prince a juré tout-à-l’heure que celui qui empêcherait Osman-Beg de punir sa fille et son neveu serait lui-même mis à mort, sa maison pillée et son bien confisqué.

— Le Prince a fait un tel serment ?

— Je vous l’affirme sur ma tête.

— Pourquoi prendre une résolution si vive ?

— Vous allez le comprendre. Le Prince a un enfant malade dans le harem. Il a fait vœu hier au soir, afin d’obtenir la guérison de l’être aimé et de calmer la mère, d’accorder ce matin la première demande que lui ferait la première personne qu’il rencontrerait. Le sort a voulu que cette première personne fût Osman-Beg. Vous n’ignorez pas que le Prince tient ses promesses ?

— Surtout celles-là, murmura Abdoullah-Khan consterné.

Il regarda le Moulla, il regarda le médecin et se trouva fort embarrassé. Le Prince de Kandahar n’était ni méchant, ni tyrannique ; mais