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Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques, ill. de Becque, 1924.djvu/292

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mépris dont il venait d’accabler ses ennemis héréditaires. Mais le Moulla ne se laissa pas intimider par ce ton de sarcasme, et, avec sang-froid, reprit ainsi la parole :

— Sans nul doute, la jeune fille mourra et son complice avec elle. Ce n’est pas là ce qui fait la question. Osman-Beg désire seulement apprendre si vous consentez à lui livrer ses esclaves fugitifs ou prétendez les défendre ; c’est uniquement ce que je viens vous demander.

— Supposons, dit Abdoullah, en se penchant vers le prêtre d’un air confidentiel, que je ne sois pas éloigné de vous complaire, qu’en résulterait-il d’avantageux pour moi ? Puis-je vous questionner sur ce point, Moulla ?

— Assurément. Si Votre Excellence consent à me remettre les coupables, je puis lui promettre que la famille d’Osman-Beg tout entière abjurera ses sentiments anciens à l’égard des Mouradzyys. Les fils entreront dans votre maison et vous ne leur donnerez pas de solde, et, quant au père, il sait que vous cherchez un instructeur pour apprendre à vos esclaves militaires la discipline européenne : il sera cet instructeur, et, nuit et jour, vous pourrez compter sur lui. Je n’ai pas besoin de vous donner l’assurance que tous les serments possibles sur le livre saint, Osman-Beg est prêt à les prêter, si vous exigez cette garantie de sa fidélité.

— J’estime grandement de telles propositions, et elles me sont fort avantageuses, s’écria Abdoullah-Khan. Mais, pourtant, admettons que je les repousse. Que m’arrivera-t-il ?

— Je pourrais vous l’expliquer d’une façon certaine, répondit le Moulla ; mais une visite vous arrive, et vous allez savoir avant une minute à quoi vous en tenir ; vous allez le savoir, dis-je, d’une façon beaucoup plus complète et plus propre à vous convaincre que si un pauvre homme tel que moi continuait à porter la parole.

À ce même moment, entrait dans la cour, au milieu d’un flot de serviteurs et dans tout le faste d’une tenue magnifique, le médecin en chef du prince de Kandahar, personnage considérable par la faveur dont il jouissait auprès du maître. Ce n’était pas un Afghan de race ; mais,