Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/104

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Celle-ci, en l’apercevant, eut une sorte de spasme électrique qui lui rendit un éclair de force ; elle jeta ses mains autour de son cou, l’embrassa avec force et ne lui dit que ce mot seul :

— Adieu !

Puis ses bras se détendirent, elle se laissa aller en arrière ; il la regarda stupéfait, et, vraiment, il vit qu’elle était morte.

Dans ce moment, Grégoire Ivanitch le rejoignit et l’aida à maintenir le corps insensible. Moreno voulait le porter dans son logis.

— Non, dit l’Ennemi-de-l’Esprit en secouant la tête, la malheureuse enfant a été malade chez moi, c’est moi qui l’ensevelirai et c’est à mes frais qu’elle sera enterrée. La voilà morte ; elle ne m’aimait pas ! mais je lui voulais du bien, moi, et c’est assez pour que je me regarde comme son seul parent.

— Enfin, dit Moreno, qu’est-il arrivé !

— Peu de chose. Elle n’a pas voulu être vendue, elle a refusé d’aller à Trébizonde ; elle a refusé de danser, et, ce qui ne lui était jamais arrivé, ce que l’on n’avait jamais vu, elle passait ses jours et ses nuits à pleurer, elle se frappait la poitrine et se déchirait le visage avec ses ongles. Les Splendeurs de la Beauté ne savait plus qu’en faire et avait grande envie de s’en débarrasser. Pour moi, je dis à Omm-Djéhâne : Ma fille, tu l’entends fort mal, et c’est visiblement l’Esprit qui te tourne la tête. Laisse-là tes sottes idées !