Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/122

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d’immenses étoffes de soie bariolées d’incarnat, de vert et de jaune, à la façon du tartan écossais, laissait çà et là apparaître le drap d’indienne grise, rehaussé de fleurs de diverses nuances. Les oreillers, en grand nombre, de toutes formes et de toutes grandeurs, les uns triangulaires, les autres carrés, d’autres ronds, s’affaissaient sous la tête de la donneuse, soutenaient ses bras ou gisaient au hasard.

Kassem contempla un moment la jolie Amynèh et poussa un soupir. Puis, il alla s’asseoir, sombre et préoccupé, dans un coin de la chambre, et resta là sans bouger.

Il tenait le lingot d’or fortement serré dans sa main, et ne l’avait pas quitté, depuis que l’Indien le lui avait remis. De temps en temps, il le regardait, il le contemplait, il s’enivrait et s’exaltait de cette vue ; c’était la preuve matérielle que tout ce qui s’agitait dans sa tête n’était pas un rêve, mais une franche et ferme réalité. Il regardait ce lingot d’or, et ses yeux se fermaient, et, tout à coup, dans un demi-assoupissement, il lui semblait que le morceau de métal se gonflait dans la paume de sa main, et respirait, que c’était un être animé. Il se réveillait en sursaut, dans un état d’angoisse indescriptible, considérait encore cette merveille dont il était devenu le possesseur, la trouvait immobile comme un morceau de métal doit l’être, et, fermant de nouveau ses paupières, sommeillait, emporté dans le tourbillon de ses idées. Enfin, la