Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/128

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Il le considéra et le jeta avec mépris dans les décombres. Mais rien ne s’acquiert, et c’était là surtout ce qui l’occupait, qu’à un pris proportionné au mérite de ce qu’on recherche. C’est là ce qu’il venait de méditer, et il ne laissait pas que de trouver la condition bien dure. Mais il ne luttait pas cependant contre la passion transformée en devoir, et, après avoir déchiré lui-même ses derniers regrets, il se leva, prit le chemin de sa maison, rentra chez lui et parut devant sa femme.

Celle-ci se leva pour le recevoir et l’accueillit comme d’ordinaire avec l’enjouement le plus tendre. Mais, en voyant l’air sombre et le sourcil froncé de son mari, spectacle auquel elle n’était pas accoutumée, son cœur se serra et la pauvre enfant s’assit en silence à son côté.

— Amynèh, dit Kassem, tu sais si je t’aime et si jamais affection plus grande a réuni deux âmes. Pour moi, je n’en crois rien ; l’affection de mon cœur au vôtre est incomparable. Aussi ce cœur saigne ; il va affliger son compagnon.

— Qu’as-tu donc ? Que veux-tu ? répondit Amynèh prenant la main qu’on ne lui tendait pas.

— Je dis que chaque homme a sa part dans la vie, son kismèt ; cette part lui est destinée longtemps avant sa naissance. Elle est toute prête quand il vient au monde, et soit qu’il y consente ou qu’il résiste, il lui faut l’accepter, la prendre et s’en accommoder.