Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/136

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seule et unique femme, absolument comme un petit bourgeois, elle n’avait voulu entendre à aucune innovation de ce genre, et la verve avec laquelle elle distribuait des soufflets, et même parfois des coups de tuyau de kalioun aux servantes et aux domestiques, avait donné à réfléchir à Aziz-Khan. Il évitait de compromettre sa barbe et sa dignité dans des discussions dont la fin ne lui était pas connue d’avance. Aussi, lorsqu’il avait de l’humeur, se gardait-il de le montrer chez lui ; dans ce cas, il allait se promener au bazar.

Ainsi, maîtresse absolue de son terrain, vénérée et crainte, entourée d’un troupeau de huit enfants, dont l’aîné, un garçon, avait une quinzaine d’années à peu près, et, faisant marcher tout cela dans un ordre, un silence et une componction louables, Zemroud-Khanoum était une excellente femme. Elle était prompte à se fâcher, prompte à s’attendrir. Sa voix devenait, dans la colère, de beaucoup la plus aiguë du quartier ; mais il lui arrivait aussi d’en être la plus douce, quand elle se prenait à consoler quelqu’un. Elle était généreuse comme un Sultan, charitable comme un Prophète, et par-dessus le marché, ayant été extraordinairement jolie, il lui en restait encore quelque chose à quarante ans sonnés ; elle avait beaucoup d’esprit, faisait les vers d’une manière charmante, et jouait du târ avec une telle perfection, que son mari Aziz-Khan, lorsqu’elle daignait jouer pour lui, commençait à do-