Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/141

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colère, et en même temps de curiosité et de crainte pour un cas aussi surprenant, lui dit en prenant son manteau et son voile :

— Reste ici, ma fille, je vais aller parler à Kassem, et je te promets bien. Enfin, reste ici, attends-moi, et, sur toutes choses, cesse de te désoler. Ce garçon est mon frère, mais je le regarde comme mon fils ; c’est moi qui l’ai élevé, c’est moi qui l’ai marié. Ton père en a agi avec lui de la manière la plus généreuse, car les deux cents tomans que Kassem a donnés pour t’avoir et dont, par parenthèse, mon mari avait prêté la moitié, ton père les a employés entièrement à ton trousseau et quelque chose par dessus. Vallah ! Billah ! Vallah ! nous allons voir de quel air maître Kassem va me répondre ! Calme-toi, te dis-je, et sois sûre que tout cela ne signifie rien.

Là-dessus, Zemroud-Khanoum, armée en guerre et s’étant bien enveloppée, ne prenant avec elle ni servante, ni domestique, partit d’une telle façon, qu’on ne saurait la comparer qu’à l’éclair sillonnant un ciel d’orage et en annonçant la majestueuse horreur.

Amynèh resta assise sur le tapis dans un accablement profond, écoutant à peine la voix de l’espérance qui cherchait encore à éveiller un écho dans son cœur. Elle attendit deux heures pleines ; au bout de ce temps, Zemroud revint. Elle ôta ses voiles, elle était décontenancée, pâle, et on voyait que la femme forte avait pleuré. Elle s’assit à côté d’Amynèh, lui prit la