Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/144

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l’est, quand, placé entre le devoir et la passion, on se croit entraîné par le devoir. Il importe peu de rechercher ce que peut valoir toujours ce dernier mot. Kassem admettait que son devoir était de chercher et de rejoindre le magicien. Il lui fallait se soumettre.

Avec ce sentiment si fin, si tendre, si divin qui appartient, en tous pays, aux femmes, quand elles aiment et qui seul suffirait à en faire les êtres vraiment célestes de la création, Amynèh comprit la lutte qui se soutenait dans l’âme de son mari, et, instinctivement, évita ce qui pouvait la rendre plus difficile et plus cruelle pour le patient.

— Peut-être, se dit-elle en elle-même, pourrais-je réussir à le garder auprès de moi, huit jours, un mois au plus ! Mais comme il souffrirait !… Et à la fin ?… Quoi ? Il voudrait encore s’en aller !…

Elle cesse de combattre et se montre résignée. Elle dit seulement :

— Tu reviendras ?

— Oui ! oui ! je reviendrai… je te le jure, Amynèh ! Comment ne reviendrais-je pas ? Sois sûre que, si tu ne devais plus me revoir, c’est qu’alors…

Elle lui mit la main sur la bouche.

— Je te reverrai, dit la meilleure des femmes en affermissant sa voix. Assurément, je te reverrai ! Pense à moi, n’est-ce pas !

— Oui, j’y penserai… j’y penserai souvent ;… Non ! Tiens ! j’y penserai toujours ! Ô Amynèh ! mon Amynèh !