Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/147

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— « Hou ! »

C’est-à-dire : « Lui ! » l’Être par excellence, celui qui contient en son sein et y réserve tout ce qui est vivant, Dieu. Les bénédictions éclatèrent :

— Que Dieu le garde ! Que les saints Imams veillent sur lui ! Oh ! Dieu ! oh ! Dieu ! Conservez-le ! Que tous les prophètes l’accompagnent !

Kassem remercia d’un signe de tête et sortit de la place. Au moment où il atteignait la rue qui menait hors de la ville, un vieux bakkal ou épicier lui tendit une petite coupe en cuivre, en le priant de l’accepter comme souvenir de lui, ce qu’il fit ; puis, il avança de quelques pas, et l’enfant du menuisier, qui avait cinq ans et qu’il avait bien souvent caressé, marcha vers lui, envoyé par son père et traînant un fort bâton de voyage. Kassem le prit encore. Mais sa fermeté l’abandonna un instant ; il ne put retenir quelques sanglots et saisit convulsivement l’enfant qu’il pressa dans ses bras. C’était l’amer souvenir de ce qu’il perdait. Il se remit pourtant assez à temps, et, s’étant éloigné à grands pas, il se trouva bientôt hors de la ville, marchant dans la direction de l’est, c’est-à-dire vers le Khorassan, où il sentait que l’Indien l’attendait et l’appelait.

Aussitôt qu’il se trouva dans le désert, cheminant ainsi et frappant de son bâton les cailloux du chemin, il se trouva libre dans le vaste monde, et son cœur se calma. Son esprit s’exalta et il se vit déjà en pensée