Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/148

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maître et maître absolu de tous les glorieux secrets dont l’Indien lui avait annoncé et promis la révélation. Il n’y avait rien de bas ni de cupide dans son enthousiasme ; ce qu’il voulait, ce n’était pas le pouvoir de courber les hommes sous la puissance des prestiges et encore moins d’avoir, par la transmutation des métaux, la richesse universelle. Il voulait la sagesse et la pénétration dans les plus augustes mystères de la nature. Il se voyait d’avance transfiguré, au-dessus des désirs, au-dessus des besoins ; il se voyait comme un ascète, auquel rien ne manque des richesses morales et des perfections intellectuelles, et qui, placé par sa science et son dédain absolu des choses terrestres, dans le sein même de la Divinité, devient ainsi copartageant d’une félicité sans limites. Pour en arriver à ce point, il avait craint de bien grands combats, des luttes terribles contre ses affections mondaines. Mais pas du tout. Lui-même il s’étonnait maintenant de la facilité avec laquelle il s’était séparé d’Amynèh, que la veille encore il idolâtrait, et, en se trouvant ainsi, le cœur libre et léger, presque indifférent à la perte qu’il venait de s’infliger, il reconnaissait avec admiration la profonde sagesse du derviche indien. Celui-ci, lorsque Kassem avait insisté sur l’impossibilité de se séparer de sa jeune femme, qui avait prédit absolument ce qui arriverait de l’indifférence qu’il ressentait à cette heure.

— Les passions humaines, ainsi s’était exprimé le