Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/151

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— Amynèh !

C’étaient comme des enfants qui demandent leur mère, comme devaient être les malheureux submergés dans les flots du déluge, quand ils levaient leurs bras au ciel et pleuraient en disant :

— Sauvez-nous !

Il fut bien surpris, Kassem, il fut bien surpris ! Il croyait que tout le passé avait disparu ; pas du tout ; le passé se montrait droit devant lui, bruyant, dominateur, réclamant son bien, sa proie, réclamant lui, Kassem, et il entendait comme un murmure menaçant :

— Qu’as-tu à faire avec la science ? Que veux-tu de la puissance souveraine ? Que t’importent la magie et la domination des mondes ! Tu appartiens à l’amour ! Tu es l’esclave de l’amour ! Esclave échappé de l’amour, reviens à ton maître !

Et comme Kassem continuait sa route, tête basse, la compagne presque inséparable d’un amour profond, sa compagne vengeresse l’atteignit, et une tristesse irrésistible s’empara de lui, absolument comme l’obscurité nocturne envahit, le soir, la campagne.

Le jeune homme avait beau se débattre, il était pris, il était repris. Il avait cru que ce n’était rien que d’aimer Amynèh et de la quitter. Mais l’amour s’était joué de lui. Il se répétait :

— La passion n’est rien ; qu’on la regarde en face, et elle tombe !