Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/171

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pour leur grand homme, en acceptant ses œuvres, et oubliaient toujours de le payer, et il était assez simple pour ne pas le leur rappeler. Il se contentait d’en gémir et de parer de son mieux les coups de pantoufle arrivant à chaque déconvenue de ce genre, car Bibi-Djânèm ne manquait pas d’attribuer tout ce qui, au monde, se produisait de fâcheux, à la bêtise, à l’ineptie ou à la légèreté de son cher époux.

Ce couple avait un fils déjà assez grand, et qui promettait de devenir un fort joli garçon. Sa mère en raffolait ; elle l’avait appelé Gambèr-Aly. Mirza-Hassan-Khan avait proposé de le doter de son titre, devenu héréditaire, mais Bibi-Djânèm s’y était opposée avec force, et parlant à son mari comme elle en avait l’habitude :

— Nigaud ! lui avait-elle dit, laisse-moi en repos et ne me fatigue pas les oreilles de tes sottises ! N’es-tu pas le fils, le propre fils de Djafèr, le marmiton, et existe-t-il quelqu’un qui l’ignore ? D’ailleurs à quoi t’a-t-il servi de t’intituler comme tu fais ? On se moque de toi et tu n’en gagnes pas plus d’argent ! Non ! mon fils n’a pas besoin de ces absurdités ! Il a de meilleurs moyens de faire fortune. Quand j’étais grosse de lui, j’ai accompli à son intention un pèlerinage à l’Imam Zadèh-Kassèm, et cette dévotion ne manque jamais son effet ; quand il est né, je m’étais pourvue à l’avance d’un astrologue… moi, entends-tu, et non pas toi, mauvais père ! Car tu ne songes jamais à rien