Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/172

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d’utile ! Je m’étais précautionnée, dis-je, d’un astrologue excellent ; je lui ai donné deux sahabs crans (trois francs). Il m’a bien promis que Gambèr-Aly, s’il plaît à Dieu, deviendrait premier ministre ! Il le deviendra, j’en suis certaine, car aussitôt j’ai cousu à son cou un petit sac contenant des grains bleus pour lui porter bonheur, et des grains rouges pour lui donner du courage, je lui ai mis aux deux bras des boîtes à talismans où sont renfermés des versets du livre de Dieu, qui le préserveront de tous malheurs, inshallah ! inshallah ! inshallah !

— Inshallah ! avait répondu Mirza-Hassan d’une voix profonde et avec docilité.

Et voilà comme Gambèr-Aly fut lancé dans l’existence par les soins d’une mère prudente. Pourvu, comme il l’était, de toutes les sauvegardes nécessaires, la raison voulait qu’on lui accordât une honnête liberté. Il put donc, à son gré, jusqu’à l’âge de sept ans, se promener tout nu, dans son quartier, avec ses jeunes compagnons et ses jeunes compagnes. Il devint de bonne heure la terreur des épiciers et des marchands de comestibles, dont il savait à merveille détourner les dattes, les concombres et quelquefois même les brochettes de viande rôtie. Quand on l’attrapait, on l’injuriait, ce qui lui était parfaitement égal, et quelquefois on le battait, mais pas souvent, parce qu’on craignait sa mère. Elle était, en ces occasions, comme une lionne et plus terrible encore. À peine le petit Gambèr-