Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/180

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moulla ? Si je ne l’ai pas, je meurs d’amour et de regrets !

Là-dessus, il se mit à pleurer, et, pour donner une idée de la force de son sentiment, il tira son gâma et voulut s’en appliquer un bon coup sur la tête ; mais le canonnier le retint, et, comme chacun, devenu attentif, s’apercevait que le moulla n’avait pas tout dit, on conjura celui-ci d’aller jusqu’au bout du panégyrique, afin de savoir s’il n’y avait pas quelque ombre au tableau délicieux qu’il venait de tracer.

— Une ombre, Excellence ! Que votre bonté ne diminue pas ! Puissent toutes les bénédictions tomber comme une pluie sur vos nobles têtes ! Quelle ombre pourrait-il y avoir ? Une beauté incomparable, est-ce une tache ? Une fortune comme celle que je viens de vous supputer, est-ce un défaut ? Une vertu immaculée, comparable seulement à celle des épouses du Prophète, sera-ce pour vous un motif de blâme ? Or, cette vertu, magnanimes seigneurs, elle n’est pas de celles que l’on affirme sans pouvoir les démontrer ! Elle est incontestable, établie sur preuves sans réplique, et ces preuves, les voici ! Ce sont des lettres de tôbèh datées de ce matin.

À ces mots, l’enthousiasme ne connut plus de bornes ; le loûty qu’on avait empêché tout à l’heure de s’assommer lui-même, profita du moment où chacun, s’absorbant dans sa propre pensée, levait les yeux et les mains au ciel en murmurant ;