Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/179

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sont des cailloux sans lustre auprès du diamant de ses yeux ! Sa taille est comme un rameau de saule, et quand elle appuie son pied sur la terre, la terre dit merci et se pâme d’amour !

Cette description, qui rendait pourtant un compte assez avantageux de l’amie du moulla, ne produisit que peu d’effet, et si peu qu’un des loûtys se mit à chanter avec un tremblement de voix qui ressemblait à un gargarisme :

« Le premier ministre est un âne et le Roi ne vaut pas mieux ! »

C’était le début d’une chanson nouvellement importée de Téhéran. Le moulla ne se laissa pas détourner de son idée et continua d’une voix larmoyante qui luttait avec avantage contre le chevrottement nasal de son camarade :

— Excellences ! cette divine perfection possède, derrière le bazar des chaudronniers, une maison de trois chambres, huit tapis presque neufs et cinq coffres remplis d’habits. Elle a, de plus, des kabbalèhs ou contrats pour pas mal d’argent ; je n’en connais pas la somme ; mais elle ne saurait être inférieure à quatre-vingts tomans !

Ce second chapitre des qualités de la fiancée réveilla tout le monde, et un des loûtys s’écria :

— Me voilà ? Elle veut un mari ? qu’elle me prenne ! Où trouverait-elle aussi bien ? Vous me connaissez,