Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/202

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dont il n’est pas besoin de faire ressortir les mérites ; l’avantage en saute aux yeux. Les peuples sont charmés de voir leurs gouverneurs rendre gorge ; les gouverneurs passent leur vie à s’enrichir, et, finalement, ils meurent pauvres, sans jamais s’être doutés que telle devait être leur fin inévitable. Quant au pouvoir suprême, il s’épargne les soucis de la surveillance et une taquinerie de mauvais goût envers ses agents.

Son Altesse le Prince, ayant exploité la province dont Shyraz est la capitale pendant une durée de temps suffisante, on le priait de venir raconter ses affaires aux colonnes de l’Empire, c’est-à-dire aux chefs de l’État ; tout marchait ainsi, suivant la règle ; mais, comme de coutume, et parce que rien n’est parfait en ce monde, c’était un dur moment à passer pour le disgracié. Il ne savait pas au juste dans quelle mesure on allait le rançonner.

Le matin, de bonne heure, et même avant le jour, son intendant avait pris la fuite, emportant quelques menus souvenirs de valeur. Le Ferrash-Bachi était sombre. Il se défiait de sa situation qui, difficilement, pouvait continuer à être aussi lucrative que par le passé. Les pishkhedmèts se communiquaient tout bas bien des réflexions ; les gens de l’écurie, les ferrashs, les soldats, les kavédjys, n’ayant rien à perdre, étaient au comble du bonheur de changer de place. De moment en moment, un objet ou l’autre disparaissait et se serait retrouvé à un mois de là dans une