Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/218

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faisant leur ménage dans tous les coins, lui offrirent l’attrait d’une conversation aimable et enjouée, et mille occasions de dresser quelque petit commerce ; il avait trop peur, il ne voulut jamais s’éloigner du saint tombeau. Il leur était aisé, à ces autres, de se confier à une protection modérée ! Qu’avaient-ils fait, après tout ? Volé quelque marchand ? Escroqué leur maître ? Fâché un employé subalterne ? Il était clair que, pour de pareilles peccadilles, on n’irait pas enfreindre les prérogatives de la mosquée et s’attirer l’indignation du clergé et de la populace ; mais lui ! c’était bien une autre affaire ! Il avait eu le malheur de tomber sur cet imbécile de Kérym, qui s’était laissé mourir bêtement. Il avait du sang sur lui, de plus, l’inimitié de ce scélérat de ferrash-bachi le poursuivait. Ce n’était pas trop que du tombeau, que des cendres du saint Imam pour le garantir ; encore l’Imam aurait-il dû ressusciter et venir lui-même. Il s’obstina donc à tenir compagnie à Moussa-Riza. Ces deux braves vivaient dans des alertes perpétuelles. Toute figure nouvelle apparaissant dans la mosquée leur représentait un espion ; Gambèr-Aly croyait reconnaître dans chacun un émissaire de la maison du prince, et son associé un des hommes de son ministre. Deux existences déplorables ! Les malheureux maigrissaient à vue d’œil, quand, un matin, il se fit un grand mouvement, et ils se crurent perdus ; les gardiens leur apprirent que le Roi avait annoncé son intention de faire ses dévotions le