Aller au contenu

Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cependant, dans toutes les maisons de Téhéran, sur les places, dans les bazars, aux bains on ne parlait d’autre chose que de son aventure. Les récits de sa conversation avec le Roi, colportés, augmentés, modifiés, changés, embellis de toutes manières, servaient de texte à des commentaires interminables. Les uns voulaient qu’il eût assassiné Kérym avec connaissance de cause ; les autres soutenaient au contraire, que c’était Kérym qui avait voulu le tuer et qu’il n’avait fait que se défendre. Un troisième plus avisé était certain que Kérym n’avait jamais existé et que le pauvre Gambèr-Aly était la victime d’une calomnie inventée par le ferrash-bachi de son prince et Assad-Oullah le piskhedmèt ; les femmes, sur le bruit de la beauté remarquable du réfugié à Shah-Abdoulazym lui étaient toutes favorables et toutes aussi voulaient le voir, de sorte que, le troisième jour, dès l’aurore, des bandes de dames montées sur des ânes, d’autres montées sur des mules, quelques-unes à cheval avec des servantes et des domestiques, bref la population féminine en masse se mit en route pour la mosquée sainte, et si grande était la multitude que depuis la porte de la ville jusqu’au bourg, il n’y avait pas d’interruption dans la ligne indéfiniment longue des pèlerines. Ce monde eût bientôt fait de remplir la mosquée, on se foulait, on se pressait, on se montait les unes sur les autres pour avoir au moins le bonheur de contempler Gambèr-Aly ; on s’écriait ;