Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/238

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conce ; leurs larges feuilles faisaient parasol au-dessus des flocons blancs de leurs camarades. Un moustofy, conseiller d’État de Téhéran, homme riche et considéré, nommé Abdoulhamyd-Khan, touchait la rente du village. Il nous protégeait avec soin, de sorte que nous n’avions rien à craindre ni du gouverneur du Khamsèh, ni de personne. Nous étions parfaitement heureux.

Pour moi, j’avoue que le travail des champs ne m’agréait pas, et je préférais infiniment savourer les raisins, les pastèques, les melons et les abricots, à m’occuper de leur culture. Aussi, j’avais à peine quinze ans que j’avais embrassé une profession qui me plaisait beaucoup plus que la paysannerie. Je m’étais fait chasseur. J’abattais les perdrix, les gélinottes, les francolins, j’allais chercher les gazelles et les chevreuils dans la montagne ; je tuais par ci par là un lièvre, mais j’y tenais peu, attendu que cet animal ayant la mauvaise habitude de se nourrir de cadavres, personne n’aime à en manger, et comme il est difficile de le vendre, tirer sur lui c’est de la poudre perdue. Peu à peu, j’étendis mes courses fort loin en descendant au milieu des forêts du Ghylàn ; j’appris des habiles tireurs de ce pays à ne jamais manquer mon coup, ce qui me donna comme à eux la confiance d’aller à l’affût du tigre et de la panthère. Ce sont de bons animaux et leurs peaux se vendent bien. J’aurais donc été un homme extrêmement content de son sort, m’amusant